Inner Lines, en Replay sur ARTE, jusqu’au 24 novembre 2022 + Chroniques de François Ekchajzer (Télérama) et Olivier Barlet (Africiné)

Avec constance et détermination, le cinéaste belge Pierre-Yves Vandeweerd construit, film après film, une œuvre à part, qui explore depuis plus de vingt ans certains plis négligés et douloureux du monde. Essentiellement tournés sur pellicule 16 mm et en super-8, ses documentaires évoquent la mémoire de prisonniers politiques en Mauritanie (Le Cercle des noyés, 2007) ou la situation du peuple sahraoui (Territoire perdu, 2011), mais aussi la traversée des hivers de l’âme comme celle des tempêtes de neige par des troupeaux et leur berger qu’elles égarent (Les Tourmentes, 2014).
Avec la même poésie âpre et une forme d’écriture immédiatement reconnaissable, Inner Lines (Les lignes intérieures) témoigne du destin de peuples persécutés du Caucase : les Yézidis, massacrés par Daech en 2014, réduits en esclavage ou forcés à l’exil, comme les Arméniens, victimes du génocide commis voilà plus d’un siècle par l’Empire ottoman, et les exilés meurtris de la guerre au Haut-Karabakh. De la parole des survivants aux paysages ravinés par l’histoire qui les a traversés, des danses aux chants et des vestiges aux visages, tout y parle de l’outrage fait aux cultures et aux vies, piétinées par le fanatisme et la cruauté des hommes. Seule note d’espoir dans cette sorte de grand requiem, outre la vie à l’œuvre dans l’acte cinématographique : la figure de la colombe voyageuse et messagère de paix, cousine de celle qu’aurait lancée trois fois Noé après l’échouage de l’Arche sur le mont Ararat.

(François Ekchajzer – TELERAMA)

 

(…) C’est aussi l’Histoire dramatique que capte Pierre-Yves Vandeweerd dans Inner Lines (Les Lignes intérieures) en évoluant autour du Mont Ararat où des messagers et leurs pigeons voyageurs arpentent les lieux détruits par les guerres. Des femmes yézidis et arméniennes témoignent en plans fixes et silencieux de leurs existences brisées, le cycle infernal de la violence qui semble ne jamais vouloir s’arrêter. Vandeweerd tente comme toujours de méditer en poussant la forme : jeux de lumières sur des inscriptions sur les murs, murmures, recherche de la voie des loups, ces lignes intérieures qui permettent d’échapper à l’ennemi mais où résident aussi les peines. Il faut écouter les messagers, qui errent comme des pénitents dans la montagne, mais aussi les discours et chansons patriotiques, tandis que les femmes murmurent les noms des hommes tombés au combat. Il y a chez Vandeweerd une grâce particulière pour signifier l’in-montrable, l’invisible, l’impalpable : elle est faite d’espace et de temps tout en se concentrant sur les passages, mouvements des êtres à travers leurs histoires qui font l’Histoire au présent.

(Olivier Barlet – AFRICINE.ORG / «Lussas 2022: la réalité a besoin de cinéma»)

 

Lien de visionnage sur ARTE Replay, jusqu’au 24 novembre 2022 :

https://www.arte.tv/fr/videos/093016-000-A/inner-lines/